Non à l'abrogation des décrets de 1950 pour les enseignants.

francoise scoccia

/ #427 décret Peillon et droit social communautaire

2014-03-31 05:04

je mets ici l'argumentaire envoyé aux "juristes" du snes, notamment quand à l'annualisation et la redéfinition du métier, introduits par le nouveau décret..il montre que la porte est très étroite pour "sauver" les décrets de 50....


1) sur l'annualisation : l'article 2 du projet de décret mentionne " Dans le cadre de la réglementation applicable à l’ensemble des fonctionnaires en matière de temps de travail " : la référence c'est le décret 2000-815 sur l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique d'Etat qui prévoit une annualisation et 35 heures hebdomadaires (..." la durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement.Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées.").

Le projet de décret qui est proposé ne fait pas référence à ce décret dans ses "visas" mais pour autant il ne peut s'y soustraire , outre la mention qui en est faite dès le début de l'article 2 qui l'y rattache explicitement, pour les raisons suivantes :

a) ce décret de 2000 n'est que la mise en conformité du droit de la fonction publique d'Etat avec le droit communautaire et notamment la directive dite "temps de travail" 93/04/CE (qui depuis a été suivie par notamment la directive 2003/88/CE)

b) cette directive 93/04/CE , prise sur les motifs de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs (le droit communautaire ne fait pas de distinctions entre salariés du privé et fonctionnaires donc s'applique, sauf exceptions mentionnées dans la directive à tout le monde), fixe des minimum de protection que les législations (= le droit communautaire appelle "législations" tout texte à portée juridique et ne distingue pas lois, décrets ) de chaque état membre doivent contenir en matière de temps de travail hebdomadaire , d'amplitude maximum de journée, maxima de temps de travail décompté sur une période pré définie..(notion de cycle).

Cette directive donne aussi une définition stricte du "temps de travail" (afin que son "décompte" pour vérifier si les maxima sont atteints ou pas puisse se faire) .Cette définition est celle reprise par le droit du travail et maintenant par le décret 2000-815 c'est à dire "comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles."(donc pour le droit communautaire et le décret 2000-815 peu importe le nom que l'on donne au temps passé à "travailler" (temps de service, réalisation des "missions") à partir du moment où, dans les faits, on est à la disposition de son employeur, on doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, on rentre dans le champ d'application de la directive et donc de ce fichu décret...c'est difficilement compréhensible pour quelqu'un qui ne connaît que le droit de la fonction publique car c'est un raisonnement qui vient du droit du travail mais c'est comme cela. Donc peu importe les termes utilisés, pour le droit communautaire et le décret, seule la réalité compte pour définir ce qu'est "le temps de travail effectif" et c'est la seule chose qui lui importe.

c) cette directive et le décret 2000-815 sont conçus comme un motif de "protection" du travailleur, dont chacun doit pouvoir bénéficier ..y compris les enseignants : c'est la raison pour laquelle le décret commence par "dans le cadre de la réglementation applicable à l'ensemble des fonctionnaires en matière de temps de travail"...afin que les dispositions protectrices soient "de fait" intégrées dans le décret...soit à l'article 3 : 'l'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies.

La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures.

La durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures.

Les agents bénéficient d'un repos minimum quotidien de onze heures.

L'amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures.

Le travail de nuit comprend au moins la période comprise entre 22 heures et 5 heures ou une autre période de sept heures consécutives comprise entre 22 heures et 7 heures.

Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que les agents bénéficient d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes."

d) pour s'assurer que ces garanties minimales sont respectées il convient donc de procéder à un "décompte" du "temps de travail" selon la définition donnée ci dessus et qui ne dépend pas de la dénomination qui est donnée par les textes mais bien de la réalité concrète des choses.

e) en conséquence l'article 1 du décret 2000-815 , même en l'absence de visa dans le projet de décret ,est bien applicable c'est à dire " Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. "


f) le souci est que comme aucun autre décompte que celui du temps d'enseignement n'est organisé,le projet de décret n'intègre pas les dispositions du décret 2000-815 correctement ni les dispositions minimales prévues par le droit communautaire


2) sommes nous sauvés par les statuts particuliers....?

non pour les raisons suivantes :

a) les décrets de 72 ne sont pas "dérogatoires par nature" : ce sont certaines dispositions qu'ils contiennent qui le sont (alors que les décrets de 50 sont tout entier des statuts particuliers dérogatoires )... comme l'évaluation par l'inspection ou le rythme d'avancement..en revanche dans les statuts particuliers de 72 rien sur le "temps de travail " ni le "temps de service" sauf un visa aux décrets de 50 mais ceux ci sont dorénavant supprimés. La seule mention existante est ce qu'un certifié, un agrégé est censé faire "participer principalement en assurant un service d'enseignement aux actions d'éducation"...ce qui donne une idée sur la "nature" du "travail" que l'on peut exiger de lui mais non sur sa "durée".

b) cette mention, l'article 4 des différents décrets "statuts particuliers", est vidée de son contenu par l'article L 912-1 du code de l'éducation (valeur législative supérieure à une valeur décrétale) qui édicte que "les enseignants sont responsables de l'ensemble des activités scolaires des élèves" et déroule toute une série de "missions" qui sont entièrement reprises dans les "missions liées à l'enseignement" de l'article 2 du projet de décret...les décrets de 72, dans certaines dispositions, étaient peut être "dérogatoires" (le mot n'est en fait vraiment pas adapté....mais bref) au statut général de la fonction publique mais ils ne peuvent être dérogatoires au code de l'éducation et c'est toute la force de la loi Fillon d'avoir intégré une nouvelle définition du métier des enseignants non pas en s'attaquant aux décrets particuliers de 72 mais en l'intégrant par la loi dans le code de l'éducation. Là le caractère "dérogatoire" n'est pas opposable . De fait les articles 4 des décrets particuliers de 72 sont vidés totalement de leur substance, notamment sur le caractère "principal" du service d'enseignement.Et le projet de décret, notamment dans la définition des "missions liées à l'enseignement" ne fait qu'entériner ce que je viens de décrire.

Conclusion :1) en tant qu'enseignant, et plus spécialement en tant qu'enseignant du secondaire, ce que nous devons faire est défini depuis 2005 et dans la réalité par une disposition législative à laquelle les décrets de 72 ne peuvent "déroger" c'est ce qui définit la nature de ce que nous devons faire donc de notre "travail"...

2)chaque fois que nous faisons ce "travail" (qui est extensible à l'infini puisque nous sommes "responsables de toutes les activités scolaires des élèves) et que nous sommes " à la disposition de notre employeur" et que nous devons nous " conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles" nous effectuons un temps de travail effectif qui doit respecter les dispositions de "la réglementation applicable à l’ensemble des fonctionnaires en matière de temps de travail " dont j'ai décrit les effets précédemment.

quid des temps de préparation? qui peuvent ne pas correspondre à la définition du temps de travail effectif..dans la réalité il ne sont pas pris en compte s'ils ne se déroulent pas au lycée et s'ils ne font pas l'objet d'un décompte.(le décret 2000-815 ouvre des pistes pour le prendre en compte mais cela n'a pas été fait) c'est sur ce point qu'il faut agir..le décret 2000*815 permet une autre rédaction du décret Peillon dans un sens nettement plus favorable aux enseignants..quant à la redéfinition du métier, là il faut demander l'abrogation de l'article L 912-1 du code de l'éducation...