Appel à la reconnaissance des professions du spectacle en Suisse romande

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Le concierge de L'Alhambra
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#277 Re: Réponse à Monsieur Jean-Pierre Potvliege

2010-11-17 17:01

Monsieur je vous entends parfaitement bien, votre point de vue depuis votre point de vue est respectable. Vous êtes quelqu’un de bien et dévoué, bravo, la profession peut être fière de votre engagement. Si j'ai bien compris, vous êtes passé, pour reprendre vos mots, d'éclairagiste à directeur technique en passant par technicien. Vous avez en quelque sorte travaillé si j'ai bien compris dans la technique et certainement continuez à demeurer dans votre domaine, avec des responsabilités diverses en rapport avec votre fonction. En fin de compte vous n’avez pas vraiment pris de risques. Afin de compléter vos multiples expériences, je vous invite volontiers en tant que technicien-éclairagiste et directeur technique de gauche à monter sur scène comme comédien pour une petite animation avec moi, vous jouerez fifi l’écureuil et je ferai la lumière. Je suis certain que nous ressortirons ensemble de cette formidable aventure des étoiles pleins les yeux. Je le reconnais mon message est quelque peu provocateur, pouvant offusquer certaines âmes bienfaisantes. Je m'en excuse devant mon chat qui vit sa vie sans que personne ne lui dise quoi faire. Parfois je l’envie. Le travail de concierge est un job essentiel, je le sais bien. Ouvrir le théâtre, changer le PQ, laver les linges encore chauds des comédiens, mettre les alarmes, surveiller les accueils, nettoyer les loges, vider la boîte aux lettres, sortir les poubelles, fermer le théâtre à 2 heures du matin et tant de choses passionnantes. Sans concierge, un théâtre baignerait dans la merde j'en suis convaincu. Je respecte les personnes qui exercent ce métier, c’est un travail pénible et je vous invite à faire cette expérience passionnante en tant que éclairagiste-technicien-directeur technique de gauche. Mais je peux vous assurer que beaucoup de concierges rêvent de faire autre chose. Concierge, je le suis depuis 10 mois, dans un théâtre, vous l'aurez sans doute compris. Non par vocation mais bien pour survivre, je n’avais plus de choix. J'ai trouvé ce poste par la grâce de dieu qui eût pitié de ma désolante situation de « créateur sans création ». Ce n’est pas le seul travail que j’ai exercé parallèlement à mon métier de metteur en scène et comédien. Durant tout mon parcours, je n’ai cessé de travailler sur des plateaux comme technicien, constructeur, poursuiveur et aujourd’hui concierge, sans rechigner à la tâche, en serrant parfois les dents, parfois les fesses. Personne ne s’en est jamais ému, aucun syndicaliste ou directeur de théâtre est venu me voir en me disant : « Bravo mon gars, c’est bien, tu trouves des solutions, tu te bats pour résister. » Dans le fond, tout le monde s’en fout. C’est de l’hypocrisie que de penser le contraire. Lors de mon engagement comme concierge, je vivais cette nouvelle entrée en matière du même enthousiasme et avec la même naïveté que Monsieur Lermier et Madame Papilloud qui nous annonçaient dans cette formidable émission télévisée, le sourire grand aux lèvres et le cœur en émoi, qu’ils tenaient entre leurs mains de formidables solutions pour les comédiens afin de faire face à cette situation. Je suggérerais simplement à Monsieur le Directeur du Théâtre de Carouge, puisqu’il s’y est proposé, de s’essayer au rôle de concierge sur une durée de plusieurs mois histoire de se rendre compte de ce que cela représente d’être un « formidable » concierge, avant d’avancer une telle proposition en sautillant sur ses deux jambes comme une petite grenouille en période de rut, les yeux farcis d’humilité. J’officierais à sa place en tant que directeur transitoire, il n’y a pas de sot métier. Pour votre information, j'ai aujourd'hui donné ma démission comme concierge, je n’en pouvais plus. Je renoue avec mes premiers amours. Je n’espère pas vous décevoir et vous fais brièvement part de mon expérience. Pendant toute cette période, le rythme des horaires, le manque d’activités artistiques, n’a fait que de me désolidariser de mon métier et cela malgré le fait d’être au cœur de l’antre de dite de Dyonisos. Les rencontres essentielles à la synergie de ma profession (que je pratique depuis 20 ans) se sont dissipées comme peau de chagrin, mon cerveau est devenu tout mou, mes membres se sont atrophiés et mon humour a foutu le camp. Ce qui est ridicule, c’est de faire que l'on a pas envie de faire, il est plus cohérant de se battre pour ce que l’on sait faire, pour ce que l’on veut faire et ensemble de s’en donner les moyens. Parfois je le sais bien il n'y a pas le choix. Des dénouements pour se démerder, cela fait longtemps que toutes et tous dans notre profession nous les pratiquons. La précarité nous la connaissons, c’est plutôt sympa de nous rappeler qu’elle existe. De la technique à l’animation théâtrale, de l’accueil du public au service dans les bars, tout est bon à prendre en temps de crise. N’est-ce pas ? Il n'y a donc rien de nouveau dans ce discours et je continue de prétendre qu’il nous fragilise. Faire des concessions et être un peu moins exigeant dans notre façon de penser, accepter l'inacceptable de cette nouvelle loi sans « pleurnicher » et sortir du fumier la tête haute est un discours bien-pensant tenu par des personnes qui ne sont pas dans le besoin. C’est facile de donner des leçons aux autres quand on a le cul bien installé dans le velours. Ce qui me révolte le plus c’est que ces propositions sont tenues par des personnes qui se placent comme les représentants de notre profession mais je ne m’y reconnais plus. Je ne remets pas en question le travail du syndicat, mais cela ne leur empêche apparemment pas de dire parfois des conneries. Alors je réagis en connaissance de cause. Par le biais d’un discours de la sorte nous donnons du pain bénit aux politiques et citoyens qui ont voté cette loi. Qu’ils se démmerdent les artistes ou qu’ils crèvent ! Si un jour j’ai décidé de faire du théâtre c’était pour prendre possession d’un espace de parole, de revendication, pour faire rêver et réagir un public. La voilà la raison de me battre. Je suis convaincu que la reconnaissance de cette profession ne passera pas en bradant nos connaissances, mais bien en poursuivant notre révolte. C’est gentil de nous donner des conseils, c’est vrai, ils peuvent servir. J’aurais préféré que l’on nous propose de descendre dans la rue, en musique, en fête, la tête pleine d’espoir, rejetant en choeur cette damnée fatalité. La révolte est saine, vous devez le savoir vous qui êtes de gauche. Cette pétition est un formidable cri du coeur, ce combat est juste et il faut le mener jusqu'au bout! En attendant que tu me proposes du boulot, bonne route camarade.

Réponses

marionnettiste
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#302 Re: Re: au concierge de l Alhambra

2010-11-22 13:55:36

#277: Le concierge de L'Alhambra - Re: Réponse à Monsieur Jean-Pierre Potvliege  

Un grand merci pour ton intervention: de clouer le bec aux pontes qui s'autoproclament nos représentants. On veut nous faire croire que les temps changent mais rien ne change, l'oppression de l'économie continue son travail de sappe pour s'emparer de tout espace.

Que monsieur Lermier et Madame Papilloud se réjouissent tous seuls de courber l'échine et de lécher le cul de ceux qui le leur bottent. Ces mêmes leur seront surement très reconnaissants, et continueront à leur offrir des places de responsabilité, et quand ils se retrouveront à devoir mettre de la publicité au coeur de leurs piètres actes théâtraux, et qu'un autre jour on leur demandera de les fermer, leurs geules, parce que les temps changent et qu'il faut cesser de critiquer l'empire sous peine de chatiments, et bien ils le feront bien gentiment (et surement essayeront de convaincre leur entourage que: "C'est déjà une grande chance de pouvoir monter sur scène même si on ne peut plus jouer QUE : "fifi l'écureuil, roi de la grignotte" et que tout le reste n'est plus de notre temps...

Bref, être ôpiniatre dans la conscience de notre monde face à ce qui toujours essaye de nous déclasser, caser, exploiter, reste plus de notre temps que de faire l'opportuniste bouffon de cour pour plaire aux hautes instances dominantes de notre temps...