Non à l'abrogation des décrets de 1950 pour les enseignants.

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LC

#320 Abstention active du SNES

2014-03-29 11:33

Une abstention très active du SNES

Le SNES (syndicat représentatif majoritaire) au sein de la FSU a peut-être raison dans ses options de réformisme.
Mais il n’en demeure pas moins qu’on peut légitimement s’interroger sur la manière et le discours. Car il y aurait beaucoup à dire sur le « dialogue social », l’appui sur la profession dont le SNES-FSU («lien très étroit avec la profession régulièrement informée » (Déclaration du SNES-FSU au CTM du 27 mars 2014) et le SGEN-CFDT (« la première étape conclusive de cette longue période de dialogue social ») se prévalent puisqu’il n’y a pas eu vraiment de consultation de la base, que la majorité semble encore non informée du projet de décret et de ses conséquences (d’après de nombreux témoignages qui circulent). Pour compenser, il serait peut-être utile que les représentants syndicaux des établissements informent largement et au plus vite l’ensemble des collègues des résultats du vote du CTM avant que le décret ne soit effectivement signé et promulgué.
Le SNES (comme la CFDT) s’est-il contenté de jouer son rôle de syndicat défendant l’intérêt des salariés ? On pouvait relever ce sophisme dans le « Comité de presse SNES, CTM » : « Cependant ce texte est loin d'être satisfaisant car il transforme certaines décharges de service existantes en indemnités et ne répond pas au besoin de revalorisation d'une profession dont la charge de travail a fortement augmenté, notamment du fait des missions liées dont le décret reconnaît l’existence. ».
Le SNES admet que les missions liées augmentent la charge de travail des enseignants. Ce constat devrait le conduire à rejeter le projet de réforme qui institue en obligations ces missions liées dans la définition du temps de « travail effectif ». Au lieu de cela, le SNES se félicite que le nouveau décret reconnaisse l’existence de ces missions liées. En dénonçant la surcharge de travail, le SNES se comporte comme un syndicat d’opposition : en saluant la reconnaissance de ces missions par le ministère, le SNES se comporte comme un syndicat d’accompagnement de la réforme.
C’est une erreur de catégorie (passage du fait au droit ou au devoir) comme on pourrait dire. Le SNES dit en même temps : 1- Les missions liées existent ; 2- Les missions impliquent plus de travail ; 3- Le décret reconnaît l’existence les missions liées
Les 2 premiers énoncés sont descriptifs et constatifs. Le 3ème, malgré les apparences, ne l’est plus : il est évaluatif ou déontologique. Il veut dire que le décret a raison de reconnaître les missions liées, que cette reconnaissance est une bonne chose, que les missions doivent exister et que la loi les « sécurise ». Ainsi par l’expression « du fait des missions liées dont le décret reconnaît l’existence » le SNES joue sur les intentions : il fait mine d’accorder au ministère la reconnaissance factuelle des missions alors qu’il salue la reconnaissance de leur légitimité qui les rend désormais obligatoires. Ce qui existe déjà est la norme (normal). Et même si c’est dommageable (charge de travail supplémentaire), ce qui existe déjà (mais dans des proportions variables) doit être la norme pour tous (normatif). Du fait au droit, la conséquence est présentée comme valide. Et si la surcharge de travail « du fait des missions liées » est une dégradation, et autant dire un recul, on fait passer pour un progrès une régression, une extension non quantifiable pour une sécurisation.

Les missions existent déjà (FAIT) --> plus de travail (FAIT)--> elles doivent être et doivent être rendues obligatoires (DROIT) par le décret.

Le SNES a beau rassurer ses adhérents et les enseignants sur sa mobilisation (« Face à la dégradation des conditions de travail et de rémunérations des enseignants du second degré et à la grave crise de recrutement, il continuera à mobiliser la profession pour une revalorisation des salaires et des conditions de travail qui intègre des mesures sur la réduction du temps de travail, la question des effectifs et des dotations dans les établissements. » (ibid.). On jugera la rhétorique un peu facile. Le SNES retrouve sa vocation à point nommé : « sur la mise en œuvre du décret et la rédaction des textes d’accompagnement ». Autant dire qu’il soutient pleinement la logique et le contenu de la réforme. Il peut jurer défendre « un strict cadrage national de l'attribution des décharges et indemnités » (avec « le respect de la discipline de recrutement, le respect de la mission centrale à savoir le travail de transmission des savoirs et d'appropriation de ces derniers par les élèves » (Déclaration du SNES-FSU au CTM du 27 mars 2014), il a contribué à faire passer la même réforme que le SGEN-CFDT dont ce dernier a une autre lecture mais parfaitement cohérente : « Le métier sort ainsi de l'exercice libéral qui le caractérisait il y a 64 ans et s'inscrit dans le travail d'équipe au service d'un établissement » (Claudie Paillette, Négociation métiers : première étape conclusive).
C’est encore ce que confirme l’analyse du vote du SNES au cours du Comité Technique Ministériel (CTM). A l’issue de son Bureau National, le SNES avait finalement choisi de s’abstenir au vote du CTM (« Prenant en compte l’ensemble des avancées obtenues et des insuffisances du texte, le bureau national du SNES-FSU a décidé de voter en abstention lors de ce CTM. » (Communiqué de presse, CTM du 27 Mars 2014).
On sait que l’accord sur le décret est passé à une voix près. Donc l’abstention pouvait être une stratégie : se couper les mains pour les conserver blanches et faire adopter le décret par les autres syndicats signataires. Mais le SNES (comme la CFDT) s’est-il systématiquement abstenu ? Le détail du vote fait apparaître que le SNES a voté « contre » les amendements demandant (à l’initiative de FO) le retrait des articles 2 et 10 qui sont les plus importants du décret puisque le premier met fin aux ORS et que le second abroge les décrets de 1950. Ce vote contre la suppression des articles 2 et 10 vaut pour un soutien actif et un vote pour le décret (la négation de la négation = l’affirmation).
Voici la répartition des votes (source FO, en en attendant d’autres).

FSU / CFDT / FO / CGT / Sud / UNSA
Sur article 2
Amendement 1 Contre / Contre / Pour / Pour / Abst / Abst
Remplacer : « Dans le cadre de la réglementation applicable à l’ensemble des fonctionnaires en matière de travail… » [= 1607 heures ou 35 h de travail effectif/semaine, et les missions] par : « Par dérogation à la réglementation applicable à… »

--> Le SNES (comme la CFDT) soutient le ministère pour mettre fin aux ORS en termes de maxima d’heures d’enseignement.

Amendement 2 Contre / Contre / Refus vote / Refus vote / Abst / Contre
Supprimer la liste des « missions liées à l’enseignement »

--> Le SNES (comme la CFDT) soutient le ministère pour rendre obligatoires des tâches (qui ne l’étaient pas toutes) sans quantification
(…)
Sur article 10 qui abroge les décrets de 1950 sauf les articles pour les CPGE
Amendement 10 : Supprimer cet article
Contre / Contre / Pour / Abst / Abst / Contre
--> Le SNES (comme la CFDT) soutient la suppression des décrets de 50 pour tous les enseignants à l’exception des professeurs en CPGE


A chacun la liberté de la conclusion…


Laurent Cournarie
Professeur de philosophie (Toulouse)

Réponses

francoise scoccia

#322 Re: Abstention active du SNES

2014-03-29 12:04:14

#320: LC - Abstention active du SNES

serait il possible de m'envoyer votre texte sous forme de liens que je le mette sur la page facebook dédiée..merci


Visiteur

#337 Re: Abstention active du SNES

2014-03-29 23:17:26

#320: LC - Abstention active du SNES

Merci pour cette analyse, dont je ferai usage.

Une remarque toutefois, après consultation du site national du SNFOLC, et plus précisément du texte rendant compte du sort réservé aux amendements proposés par FO : si je lis bien ce texte, l'amendement 2 n'a pas vu la FSU voter contre, mais refuser de voter ; quant à la position de FO... c'est évidemment un vote pour.

Ce qui n'enlève rien à la qualité de cette réflexion.

Yves Desnos, également professeur de philosophie, militant SNFOLC.

PS L'établissement dans lequel j'enseigne a pris position contre le projet Peillon, pour son retrait. Et comme des centaines d'autres (ce dont témoigne le site du SNFOLC), il l'a fait dans l'unité de ses sections syndicales, SNES, CGT, SNFOLC. À mon sens, cette unité à la base, unité des enseignants avec leurs syndicats, pour le retrait du projet Peillon, et son extension à un maximum d'établissements, est un élément décisif pour parvenir à une solution.