Pétition unitaire Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles (CPGE)

P/O CL 4

/ #3063 le niveau des meilleurs monte toujours

2013-12-11 14:47

Dès 1989, au moment même de la loi d’orientation »Jospin » de juillet 1989, les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet ont contribué à soulever une très grave question lorsqu’ils ont fait paraître leur livre « Le niveau monte », à partir de l’étude des résultats séculaires des conscrits lors des tests administrés au moment de leur incorporation à l’armée.
Ils montraient que le niveau des résultats à ces tests avait effectivement monté, et nettement, pour les 30% qui les réussissaient déjà le mieux. Un peu pour les autres ; sauf pour les 20% qui les réussissaient le plus mal, dont les résultats, au contraire, avaient baissé. Comme l’ont souligné alors eux-mêmes Baudelot et Establet, « il n’y a aucune raison que la situation s’améliore tant qu’on comptera sur la hausse du plafond pour relever le plancher ». Et ils invitaient à « ne plus considérer l’école depuis son sommet mais à partir de sa base ».
C’est tout le sens – fondamental si l’on peut dire – de la « refondation de l’Ecole », à savoir la « refonder » (enfin!) à partir de ses fondements (d’abord l’école primaire avec son école maternelle, puis le collège). Car, plus de vingt ans après, le diagnostic de Baudelot et Establet a été précisé et renforcé par les enquêtes successives de PISA qui permettent des comparaisons internationales qui ont certes leurs limites, mais qui n’en sont pas moins intéressantes et significatives (en particulier dans leurs évolutions).
Dès les résultats de la première enquête PISA , il a été établi que la France se caractérisait par des résultats plus inégaux que dans la moyenne des autres pays de l’OCDE, et que les résultats des jeunes Français étaient plus sensibles à leurs origines socioculturelles que dans la moyenne des autres pays également. Et à chaque nouvelle enquête de PISA ( notamment en 2006 et 2009) , ce constat, loin d’être atténué, s’est amplifié. On le sait maintenant, les résultats de l’enquête PISA de 2012 n’échappent pas à la règle, loin s’en faut. Ils sont à cet égard plus mauvais que jamais.
Comment échapper à cette sorte de schizophrénie qui fait que la France est l’un des rares pays qui proclame que l’Ecole a un rôle à jouer dans la réduction des inégalités, alors même qu’il apparaît qu’elle est l’un des pays où il y a les plus fortes inégalités scolaires, et de plus en plus ? Cela vient de loin ( même si cela s’est renforcé de façon inquiétante durant la dernière période) et l’on ne pourra pas faire l’économie d’une profonde interrogation à propos de nos représentations dominantes et de nos fonctionnements réels si l’on veut vraiment sortir de ce »cercle vicieux » et « refonder l’Ecole ». Cela a déjà été quelque peu engagé depuis quelque temps. Mais on est encore loin du compte si l’on veut faire face au défi auquel nous sommes confrontés.
Dans leur livre paru en 2009 et qui était déjà un cri d’alarme ( « L’élitisme républicain. L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales »), Baudelot et Establet concluaient : « Les évaluations de PISA appellent un débat public, comme elles en suscitent dans beaucoup de pays. Mais aucune amélioration ne pourra être durablement apportée tant que les ministres auront pour seule boussole une logique comptable de diminution des dépenses publiques, tant qu’ils laisseront le système se réguler de lui-même par la suppression de la carte scolaire, ce qui revient à accentuer encore les clivages ethniques et sociaux ; tant que la presse réduira les résultats des comparaisons internationales à des scoops ou à des palmarès stigmatisant implicitement les enseignants ; tant que les familles considéreront l’école comme une affaire privée, obnubilées par la recherche du meilleur placement pour leurs propres enfants ; tant que les enseignants refuseront de s’approprier les résultats de PISA et des autres types d’évaluation afin de prendre ensemble les mesures susceptibles d’améliorer la justice sociale et l’efficacité de notre école. Pari impossible ? Difficiles à réunir, ces conditions sont néanmoins nécessaires : ne pas lutter contre ces tendances et laisser faire la ‘’nature’’ condamne notre système scolaire à accentuer ses défauts et à enregistrer tous les trois ans des résultats de plus en plus mauvais. Ces comparaisons internationales nous obligent à faire de l’éducation un enjeu national de première urgence ».
Puissent-ils être enfin entendus !