CONTRE la loi ESR "Fioraso", parce que POUR la langue française !

Gallus

/ #1224 Re: le rôle du français dans l'enseignement supérieur et son avenir en général

2013-05-18 08:35

#2: -

Non, « savoir vivre avec son temps » ne signifie pas déférer aux ordres de la puissance du moment [en 1940, aura-t-il fallu se mettre impérativement à l'allemand au détriment du français ?], surtout lorsque c'est l'avenir de notre langue qui est en jeu et, plus généralement, notre avenir. Si tout se fait en anglo-étasunien, les anglophones auront toujours les meilleures places, les postes de responsabilité... avec quelques strapontins ultra-minoritaires pour les non-anglophones à condition qu'ils fassent preuve de la plus grande docilité.

Ceci notamment pour une raison évidente : sauf cas exceptionnel (vrai bilinguisme : ce n’est pas la même chose qu’avoir un bon niveau, je puis en témoigner), on n'est jamais aussi à l'aise que dans sa propre langue, surtout dès qu'il faut exprimer un raisonnement pointu ou une réflexion fine. Je cite cet anecdote dont je garantis l'authenticité même si, pour des raisons évidentes de confidentialité, je ne puis en citer la source : il y a – déjà ! – dix ou quinze ans, lors d'une discussion à bâtons rompus, le responsable d'une des plus grandes directions de l'UE (l'équivalent d'un gros ministère type Économie et Finances) disait « Tout se fait en anglais dans mon service : donc, pour les postes de responsabilité, je ne recrute que des anglophones. » Voilà la perverse et implacable logique du tout-anglais : mais comme il s'agit d'un phénomène lourd se déroulant sur plusieurs décennies, la plupart des gens ne sachant pas adopter une vision historique à moyen ou long terme car gavés d'instantané, de « scoops » et de « zapping » n'en sont pas conscients, même face à une terrifiante accélération de l’Histoire (parlé il y a 20 ans par de très nombreux Roumains, le français est en voie d’éradication rapide dans ce pays).

Tout ce qui peut freiner la monoculture anglophone doit être fait si nous ne voulons pas d'un avenir dans lequel nous aurons le choix entre nous renier totalement pour devenir des collaborateurs de l'impérialisme anglo-étasunien ou borner nos ambitions à servir des cafés aux décideurs issus de le la Race des Seigneurs, ceux qui parlent la langue des Maîtres. Vous riez, vous haussez les épaules ? Allez voir comment les choses se passent à l'UE, dans tant d'organisations internationales (OMC, OCDE, OMPI, etc.) ou encore massivement et brutalement dans les entreprises multinationales (même les soi-disant françaises) !

Parmi les meilleures parades au recul du français notamment dans l'enseignement et la recherche, il faut travailler (et non se focaliser sur les classements type Shangaï dont les critères sont définis par les Anglo-Saxons ou les gens formés par eux) – et beaucoup – par exemple dans les directions suivantes :

- Améliorer significativement la qualité de l'enseignement en France : il y a d'abord trop d'étudiants dans des filières sans débouchés et ils consomment des moyens qui sont déjà insuffisants : nous n'avons pas fini de récolter les fruits amers du funeste « Non à la sélection » des soixante-huitards ; et puis, trop d'universités dispensent un savoir sclérosé et dispensé selon des méthodes vieillottes... et ce n'est pas seulement une question de moyens : sans que la qualité de l'écrit en souffre, le travail sur l'expression orale est bien meilleur à Sciences-Po qu'à l'université, il est facile de faire venir régulièrement gratuitement ou pour un très faible coût des intervenants extérieurs (ex : un conseil en marques lors d'un enseignement universitaire sur le droit des marques) ; mais il y a souvent – fût-ce inavoué – un tel rejet par maints universitaires de tout ce qui peut mettre en perspective et donc relativiser leur enseignement, un tel refus craintif et viscéral d'une confrontation, si féconde pourtant et pas forcément antagoniste, entre théorie et pratique...

- Rendre l'enseignement supérieur en France attractif, c'est aussi mieux accueillir (cf. les conditions odieuses dans lesquelles les différents titres de séjour sont délivrés dans ce pays, ce que je connais bien, mon épouse étant asiatique ; en y repensant, j'ai encore la haine – j'assume le mot – vis-à-vis de cette administration chaotique, incompétente méprisante et tracassière qui maltraite, voire humilie les étrangers) les étudiants étrangers, en n'hésitant pas à faire au moment de l'entrée en France – ou chaque fois que possible avant – le tri entre les « touristes » et les personnes motivées ;

- Améliorer l'enseignement des langues en France et pas seulement l'anglais, loin de là :

. trop de Français ont une mentalité arriérée en ce qui concerne l'apprentissage des langues lequel est assimilé à une corvée (alors que c'est une aventure fantastique et une source d'enrichissement sans fin) que l'on exécute, c'est le cas de le dire, avec un consternant manque de sérieux (pour ne pas parler de paresse, voire de sottise) ; je ne connais guère d'autre pays (et surtout pas parmi les pays développés entourés de nombreux voisins parlant d'autres langues : on n'est pas au Japon !) où les gens se contentent de balbutier une seule langue étrangère, l'anglais bien sûr, et avec un accent ridicule dont seul un Français n'a pas honte ;

. en plus, on ne se rend pas compte de l'avantage compétitif que représente la maîtrise de langues étrangères autres que l'anglais : par exemple, si vous voulez faire durablement des affaires en Corée, il faut des gens parlant le coréen car (i) peu de Coréens parlent bien l'anglais, chose normale car c'est aussi difficile que, pour un Français d'apprendre le coréen (même s'il n'est pas difficile à prononcer et qu'il s'écrit avec un alphabet), (ii) en apprenant une langue, surtout s'agissant de celle d'une civilisation très différente, on comprend la culture, la mentalité, etc. et on évite bien des impairs et (iii) si on se limite au « Globish » (et même si on a un niveau convenable en anglais) , les anglophones (qui sont parfois handicapés par leur ignorance arrogante de toute langue étrangère : il y a là une faiblesse à exploiter) vous battront toujours par définition. Je me souviens qu'il y a déjà des années, Intermarché s'est planté en Italie et leur directeur commercial dans ce pays ne parlait même pas l'italien ! Cherchez l'erreur...

En tout cas, il ne faut pas faire le jeu des anglophones : c'est honteux et suicidaire (cf. Kant : « Si tu te fais ver de terre, ne t'étonne pas que l'on te marche dessus. »). Mais il faut nous remettre très sérieusement en question en nous souvenant que l'indépendance implique l'effort et le sérieux.

« Il n'y a, dans le monde, ni oppresseurs, ni opprimés. Il y a ceux qui tolèrent qu'on les opprime et ceux qui ne le tolèrent pas... » (Mustapha Kémal)