Alerte! Les restaurateurs francais du patrimoine sont en danger!


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/ #43 La situation n'est pas nouvelle... mais il faut qu'on y travaille tous ensemble

2016-03-21 10:21

La situation n'est malheureusement pas nouvelle ! Mais elle est dangereuse, car on continue de former de jeunes professionnels que les anciens ne voient pas toujours d'un bon oeil arriver sur le marché...

Les formations (INP, ESAA, ESBAT, Université) sont excellentes, reconnues au niveau international. Mais à quoi sert-il d'avoir une formation d'excellence si c'est pour laisser tomber les professionnels après ? Je pense que tous les conservateurs-restaurateurs ont senti ce grand fossé, que dis-je, ravin sans fond une fois leur diplôme en poche... Comment travailler correctement quand on n'en a pas les moyens ? Que dire à des jeunes qui souhaitent se former ? Personnellement, quand on me pose la question, j'ai plutôt tendance à les décourager : pourquoi faire 5 ans d'études spécialisées (généralement après déjà quelques années d'études) si c'est pour se retrouver au même stade après ? Que dire à nos confrères et consoeurs étrangers, avec qui nous sommes en contact par les forums internationaux, les colloques (quand on peut se payer le déplacement, si ce n'est pas trop loin de la France ! Qui parmi nous, va aux colloques de l'ICOM-CC, dont beaucoup d'entre nous sommes membres, quand ils ne se tiennent pas en Europe ?)

Disons les choses, dans ce pays où personne ne veut dire ce qu'il gagne. Cela fait 14 ans que je suis sortie de formation (INP). La 1è année j'étais salariée dans un musée parisien : 1300 € nets par mois (en 2003). Depuis que j'ai commencé à travailler en indépendante, si je ramène mes revenus à un salaire (en y intégrant le calcul des congés payés - que nous n'avons pas-, pour que ce soit comparable), je gagne en moyenne... 1300 € nets par mois. En 2016. Après 10 ans d'études au total. En travaillant au moins 40 h/semaine. 1300 € sur lesquels je vais prélever si je veux investir dans du matériel. Et je sais que certains collègues m'envient, c'est ça le pire ! Car, vivant à la campagne et me contentant de peu, je vis de mon travail. Mais ayant commencé à travailler à 28 ans, j'ai fait le calcul de ce que je gagnerai une fois en retraite (si ma situation reste stable !) à 67 ans  (le simulateur de ma caisse de retraite ne va pas au-delà !) : 680 €/mois (retraite de bas + complémentaire).

C'est vrai qu'on n'est sans doute pas tous égaux dans la façon de mener notre entreprise, mais d'une part on n'y a pas été formés (on a été formés comme si on allait travailler comme fonctionnaire, aucune notion de commerce, de rentabilité... ce sont des gros mots !), d'autre part on peut faire ce constat, comme le disait une personne précédemment, qu'on est à peu près tous dans le même cas. Le constater fait qu'on s'en sent effectivement un peu moins responsable, car c'est très culpabilisant de ne pas arriver à vivre de son travail. Et très frustrant de se rendre compte que, malgré tout l'enthousiasme qu'on avait en commençant, au bout d'un moment, être toujours sur la corde raide, ce n'est plus possible. Très déprimant de voir autant d'aigreur dans un milieu qu'on aime.

Mais il ne faut pas rester seul dans son coin. La profession est souvent trop individualiste. Alors que nous avons de super compétences, une polyvalence dingue, une adaptabilité incroyable ! Il faut qu'on se serre les coudes et qu'on agisse ensemble. Trop peu d'entre nous s'investissent dans l'unique association qui bosse d'arrache-pied depuis plus de 20 ans pour nous : la FFCR. Super lieu de discussions, d'échange d'idées, de partage de compétences, où pour ma part j'ai appris à réfléchir à tout ça. J'encourage tous les professionnels qui ne sont pas adhérents à venir voir ce qui s'y passe. Et ne me dites pas comme toujours : je n'ai pas le temps, car je n'en n'ai pas plus que vous, et cependant je l'ai pris pour participer, notamment en tant que déléguée régionale. C'est en travaillant TOUS ensemble à notre survie qu'on y arrivera.