L'Etat palestinien, c'est maintenant !

NB: Une version abrégée de cet appel a été publiée par Le Monde dans son édition datée du 29 avril 2011.

Version complète de l'appel:

Le Proche-Orient est à la croisée des chemins. La poursuite de la colonisation israélienne de la Palestine a conduit les négociations de paix dans l’impasse. Le désespoir risque de provoquer l’éclatement d’une troisième Intifada. A l’heure où les peuples arabes reprennent en mains leur destin, seule une reconnaissance généralisée de l’Etat de Palestine dans les frontières d’avant la guerre de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, peut ouvrir une perspective nouvelle.

Or, le 24 septembre 2010, le président Barack Obama a proposé à l’Assemblée générale des Nations unies de « revenir l'année prochaine avec un accord qui amènera un nouvel Etat membre aux Nations unies, un Etat palestinien indépendant et souverain, qui vive en paix avec Israël ». Depuis, la plupart des Etats latino-américains ont reconnu cet Etat de Palestine. Le 21 avril, le président de la République Nicolas Sarkozy a fait part au président palestinien Mahmoud Abbas de son « soutien très clair aux efforts visant la création d’un Etat palestinien ». Et le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé estime que la reconnaissance de l’Etat palestinien est « une hypothèse qu’il faut avoir en tête », mais qu’ « il faut le faire avec l’Union européenne ». Laquelle s’est engagée, le 13 décembre dernier, à en faire autant « le moment venu ».

Ce moment est venu. Le président Mahmoud Abbas a entamé une tournée afin d’obtenir la reconnaissance de l’Etat de Palestine. En Israël même, des personnalités pour la plupart issues du Mossad, du Shin Bet, de l’armée et du monde des affaires ont rendu publique une « Initiative de paix israélienne » en faveur de  la création d’un Etat palestinien à côté de celui d’Israël. Cette initiative a été suivie d’une pétition dans le même sens signée par une soixantaine de personnalités dont dix-sept lauréats du Prix d’Israël, une des plus hautes distinctions en matière d’art, de sciences, de lettres, des universitaires comme Zeev Sternhell et Yirmiyahu Yovel, la fondatrice du parti Meretz Shulamit Aloni. Les signataires rappellent la résolution 181 de l’Assemblée générale de l’ONU du 29 novembre 1947, qui stipulait « la création d’un Etat juif et d’un Etat arabe indépendants », et reprennent plusieurs phrases de la Déclaration d’indépendance d’Israël du 14 mai 1948. Et ils ajoutent : « Nous avons regardé autour de nous, constaté ce qui se passe dans les pays voisins et nous nous sommes dit qu’il est temps pour les Israéliens de faire entendre leur voix. »

Nous saluons ces démarches et exhortons la communauté internationale à prendre enfin ses responsabilités : soixante-quatre ans après l’avortement du plan de partage de la Palestine qu’elle ne s’est pas donné les moyens d’appliquer, il lui revient d’assurer un règlement définitif, juste et durable fondé sur le droit international. La France et l’Union européenne doivent prendre l’initiative en reconnaissant sans attendre l’Etat palestinien dans les frontières d’avant la guerre de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale et en appelant l’ONU à en faire de même sans délai.

Mais nous ne pouvons nous en remettre aux seules autorités nationales et internationales. Notre responsabilité de citoyens est aussi de mobiliser l’opinion pour qu’elle pèse dans ce sens. C’est pourquoi nous invitons les personnalités et les intellectuels de toutes origines, tendances et sensibilités  à se joindre à cet appel. Pour que la paix l’emporte sur la guerre. Pour empêcher de nouvelles tragédies. Pour assurer l’avenir des deux peuples vivant sur cette même terre.

English translation

Now is the time for the recognition of the Palestinian State.

The Middle East is currently at a crossroads. The pursuit of the Israeli colonisation in Palestine has brought the peace negotiations to a dead end. Despair may now cause the outbreak of a third intifada. At a time when the Arab peoples have regained the mastery of their destinies, only the generalised recognition of the State of Palestine in the borders previous to the 1967 war, with East Jerusalem as its capital, may offer a new perspective.

On September 24th. 2010, President Barack Obama invited the General Assembly of the United Nations to come back next year with an agreement that will welcome a new state as a member of the United Nations, a sovereign independent Palestinian State that will live in peace with Israel.

Since then, most of the Latin American governments have recognised this State of Palestine. On April 21st., the President of France, Nicolas Sarkozy, has assured  President Mahmoud Abbas of  "his very clear support for the efforts aiming at the creation of a Palestinian State". The French Minister for Foreign Affairs, Alain Juppé, has stated that the recognition of the Palestinian State is "a hypothesis that one must bear in mind" but that "it should be achieved in the framework of the European Union" . The latter committed themselves, on December 13th. last, to do it "when the moment has come".

Well, the moment has come. President Mahmoud Abbas has embarked on a tour to gain recognition for the Palestinian State. In Israel itself, a number of well-known personalities, most of them coming from Mossad, Shin Bet, the army or the business community have published their own "Israeli Peace Initiative" favouring the creation of a Palestinian State alongside Israel. This initiative has been followed by a petition to the same effect that has been signed by up to sixty personalities of which seventeen are laureates of the Israel Prize which is one of the highest distinctions in Israel as far as the arts, science and letters are concerned, academics such as Zeev Sternhell and Yirmiyahu Yovel, or Shulamit Aloni, founding member of Meretz. The signatories refer to resolution 181 of the General Assembly of the United Nations of November 29th. 1947, which purported to create two independent states, "a Jewish State and an Arab State" and recall the wording of the Israeli Declaration of Independence of May, 14th., 1948. They also mention : "We have looked around us, watched what is currently taking place in our neighbouring countries and have come to the conclusion that it is high time for Israelis to make their voices heard."

We pay tribute to these movements and invite the international community to, at long last, assume the responsibilities that are theirs - sixty-four years after the aborted partition plan in Palestine, which they have not given themselves the means to enforce, it is up to them to devise a final settlement of the question of Palestine that will be definitive, fair and sustainable, based on international law. France and the European Union must take the lead in recognising, without any further a-do, the Palestinian State within the borders of 1967 with Jerusalem as its capital and invite the United Nations to do the same without any further delay.

Unfortunately, we cannot rely entirely on our national or international authorities. Our responsibility as citizens is to mobilise public opinion so that it weighs on their decision. This is the reason why we hereby invite personalities and intellectuals of every origin or sensibility, to join us and sign the present appeal. That peace may prevail over war. To prevent renewed tragedies. To ensure the future of both peoples on the same land.

Translation : Philippe DAUMAS.

Premiers signataires :

Jean Christophe Attias, directeur d'études à l'EPHE (Sorbonne)

Bertrand Badie, professeur à Sciences Po

Jean Baubérot, professeur émérite à l’EPHE (Sorbonne)

Esther Benbassa, directrice d'études à l'EPHE (Sorbonne)

Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite (Université Paris VII-Diderot)

Jean Daniel, éditorialiste, écrivain

François Gèze, éditeur

Gisèle Halimi, avocate, ancienne députée, ambassadrice de l'Unesco

Stéphane Hessel, ambassadeur de France

Daniel Lindenberg, professeur émérite (Université Paris VIII-Saint-Denis)

Roger Martelli, historien

Edgar Morin, sociologue

Pierre Nora, historien

Ernest Pignon-Ernest, artiste plasticien

Joël Roman, philosophe

François Salvaing, écrivain

Dominique Vidal, historien et journaliste