Alerte! Les restaurateurs francais du patrimoine sont en danger!

La mosca, restauratrice de sculptures - sans sculptures

/ #60 Re: Merci Emmanuelle, et profitons de cette plateforme pour témoigner...

2016-03-23 08:14

#53: Emmanuelle Paris -  

 Merci Emmanuelle pour ce portait pointu et sous plusieurs axes de vue du métier. C'est exactement ça.

Pour ma part j'ai toujours refusé de m'atteler aux appels d'offre, faible opposition pour rêver que ce système ne s'enracine pas dans le fonctionnement public - mais il aurait fallu une opposition de masse, un boycott général dès le début, quand tant de réponses n'ont servit que de constats d'états gratuits pour lancer un second appel. Au lieu de quoi me semble-t-il c'est chaque fois la curée, dans un stress sans nom, sans gain aucun, en chiens de faïence, tant chacun peine et a besoin de cette commande, avec ceux qui sont nos confrères et parfois collaborateurs, et éffondrés par la présence de concurents d'un autre monde, pour répondre malgré les études préliminaires à des demandes incohérentes, remplir des cases de chiffres, depuis les opérations initiales jusqu'au résultat final, avec tout à estimer en même temps en dépit du bon sens...

Dans mon petit coin de restauratrice provinciale, j'en était venue au même parallélisme : serions-nous les intermittents du patrimoine, fragiles et précaires?
Toujours sans code APE/NAF : à ce jour nous nous trouvons soit "gestionnaires de patrimoine" (notaires ?), soit assiminés à la "gestion des sites et musées et attractions touristiques" (conservateurs dans le sens de currateurs ?), ou encore aux plasticiens. Notons au passage (et peut-être tant mieux ?) que même du côté des artisans, dans la liste des métiers d'art, le restaurateur de sculptures n'existe pas... Ne serions-nous pas, finalement, plutôt des illustions, des chimères, ou des mirages ?

Mes chiffres sont les suivants :
- bac +5, x2 : maîtrise en histoire de l'art et archéologie + master en C-R de sculptures. > Diplôme à 29 ans ... et 11 mois, il était temps !
- 13 ans de pratique, ou du moins d'installation, et de paiement des cotisations - travail ou pas.
- plus de 80 000 € d'investissement en véhicule utilitaire, avec un changement de véhicule dans les douze ans, et aménagement d'atelier (corps de grange), car il semble légitime de vouloir travailler dans des conditions optimales (ou presque - qui peut s'offrir une loupe binoculaire par exemple ? ou tout un système d'aspiration des solvants ?) et recevoir les clients dans un cadre à la hauteur de leurs projections et commandes. 
- environ 25000 km de route et autoroutes par an, une bonne partie à mes frais, pour aller faire les devis (plus nuitées)
- plus de commande depuis 2014, sauf quelques journées ou demi-journées éparses depuis juin, moins de deux semaines en tout. Et, de fait, plus de paiement substanciel depuis mars 2015 (la fin des commandes de 2014), hors ces quelques heures éparses.
On pourrait penser : si elle n'a plus de travail, c'est sûrement sa faute... Et l'absence de commande de faire boule-de-neige. Je précise que je n'ai commis aucune faute professionnelle, que je n'ai jamais abusé de ma position de restauratrice confirmée, pour gonfler un prix, par exemple, bien au contraire (quand on concidère, à nouveau, la gratuité des devis et l'implication hors atelier) et que le résultat de mes prestations, assorties d'un rapport d'étude et d'intervention complet, ont toujours été appréciés. Cela s'est juste tari, simplement, brutalement, l'année dernière. 
- moins d'une 12ne de réponses (je parle, pour la majorité de cette douzaine, d'un "Bien reçu-merci", les quelques autres ayant plus écrit me connaissant déjà) aux plus de 120 relances et envois de CV l'année dernière - et si je parle de ce silence, c'est pour le sentiment de mépris qu'il distile peu à peu dans le ressenti des prestataires, isolés et démunis face à des murs sans ouverture, nous renvoyant aux plateformes d'appels d'offres, tout aussi dépersonnalisées...
- 700€/mois environ versés en assurances professionnelles (RC, assurance d'atelier, véhicule, matériel, transport des oeuvres, plus les oeuvres confiées elles-même, la plupart n'étant même pas assurées par les propriétaires), en factures liées à l'atelier et son fonctionnement, et en cotistations sociales
- moins, bien moins de 1000€ / mois : ce avec quoi j'ai pu espérer vivre tant que ça 'fonctionnait' (condition sine qua non : pas d'enfant, pas de crédits, et aussi sûrement, ce qui n'est pas une punition : vivre en province)
- 40 ans et plus : un bel âge pour survivre (je dis bien 'survivre') grâce à ses parents, ayant tout investi sur l'autel du job ? Comme au bon vieux temps des études, qu'ils ont soutenues jusqu'au bout, dans la même projection idéalisée que leur étudiante aux longs cours
Etc.

Profitons de cette plateforme pour témoigner...

Une question: comment ce tableau complet d'Emmanuelle pourrait-il être plus mis en avant ? Par exemple directement par un lien sur le texte de la pétition ? J'imagine que beaucoup signent sans aller jusqu'aux commentaires.

Invitons aussi à aller lire les commentaires sur les versions en allemand et en anglais. Pour qui en a besoin, le traducteur automatique donne des résultats très acceptables. Les contenus sont concis, précis, si pertinents, et montrent que le problème dépasse les frontières.

Merci à nouveau à tous les signataires.